Ecologie & Société

37 ans de candidats écolos

Introduction

Les trois débats sont passés. Les quatre candidats à l'investiture du parti EELV pour la présidentielle de 2012 se sont exprimés. Chacun dans leur style. Henri Stoll est apparu discret, Stéphane Lhomme s'est attiré les foudres de beaucoup de monde par ses attaques violentes à l'égard de Nicolas Hulot, et celui-ci s'est clairement détaché, avec Eva Joly, dans la course à la victoire finale.

Mais une fois la victoire acquise pour l'un ou l'autre, qu'adviendra-t-il ? Pour tenter de connaître le futur, il faut d'abord commencer par comprendre le passé. Retour donc sur les performances des différents candidats "verts" aux élections présidentielles françaises.


1974, la préhistoire de l'écologie politique

Cette préhistoire est incarnée par un homme : René Dumont. Presqu'un homme du XIXème siècle, puisque né en 1901. Lui qui a connu les gaz de combat dont les pesticides sont dérivés, marquera tout au long de sa carrière un engagement vert. Il est ingénieur agricole de formation et ses travaux sont souvent cités en référence. Pour la première fois dans une campagne présidentielle, il amène les thèmes du recyclage, des économies d'énergie, d'une agriculture raisonnée, ou encore d'une biodiversité en danger.

Le candidat, comme le député Patrick Roy décédé récemment, a aussi marqué les esprits avec son éternelle tenue rouge, en l'occurrence un pull-over en vogue à l'époque, qu'il arborait lors des émissions pré-électorales de 1974. Le programme de René Dumont vous intéresse ? Alors la vidéo ci-dessous où il le développe vous passionnera à coup sûr. En tout cas à l'époque, les électeurs n'ont pas été plus convaincus que cela : seuls 1,32% d'entre eux lui accordèrent leurs votes. Anecdote filiale : c'est Brice Lalonde qui était son directeur de campagne.


1981, Brice reprend le flambeau

Brice Lalonde, directeur de campagne de René Dumont en 1974, prend sa succession et présente donc sa candidature aux français pour le mouvement écologiste. Preuve s'il en fallait une de son engagement, il fut membre des Amis de la Terre dès 1969 et sera même Ministre de l'Ecologie sous François Mitterrand de 1988 à 1992. Il fera face aux deux mastodontes Mitterrand et Giscard d'Estaing.

Quand René Dumont proposait des mesures écologico-écologiques, Brice Lalonde propose lui un "choix de civilisation" et entre de plain pied dans la politique avec son projet de "société post-industrielle". Ou comment produire autant et vivre mieux en travaillant moins, tout en s'opposant à la fois au capitalisme et au socialisme. Protéger la nature, briser la solitude, domestiquer l'économie, développer la solidarité mondiale, et une "démocratie du quotidien" : voilà les 5 priorités du programme de Brice.

Des priorités entendues et oubliées par les Français, puisque le candidat ne récolte que 3,88% des suffrages. Il se paye quand même le luxe de devancer Michel Debré, auteur de la Constitution de 1958, et une toute jeune candidate appelée Arlette Laguiller. Brice Lalonde, voulant sortir des clivages droite/gauche ne donne aucune consigne de vote au second tour.

Son programme et ses bouclettes de jeune homme sont visibles en vidéo ci-dessous…


1988, l'apparition du Front National

François Mitterrand au pouvoir depuis 7 ans qui brigue un second mandat. Jacques Chirac et le tout-puissant RPR est lancé à ses trousses. Jean-Marie le Pen et le FN qui font leur apparition sur la scène nationale et kidnappent 15% des voix : le terrain aurait pu être plus dégagé pour Antoine Waechter, le candidat désigné des Verts, qui présentent un candidat sous cette étiquette pour la première fois.

Demie-surprise : Antoine Waecheter reparle de la société post-industrielle, d'une nécessité de tendre vers un "plus de démocratie". Il pose également pour la première fois la question du nucléaire, critique la décentralisation telle qu'elle a été menée au début des années 80, évoque le référendum d'initiative populaire, parle de réforme de la justice administrative, le tout avec un pull sur les épaules et une "moumoute" souvent moquée par ses adversaires.

Dans la vidéo ci-dessous, en plus des convictions du candidat Waechter, un sketch de Marc Jolivet, engagé depuis belle lurette auprès des écolos. Résultat ? Quasiment identique à 1981 : 3,78% et une décevante sixième place.


1995, le fléchissement électoral

C'est Dominique Voynet qui est choisie pour représenter Les Verts en 1995, au sein d'une alliance avec des représentants de "la gauche de la gauche". Son programme ? Une sortie programmée du nucléaire, de lourds investissements dans les transports en commun, et le vote d'une loi sur la qualité de l'air.

En plus d'anticiper sur cette triste année 2011 avec les événements nucléaires que l'on connait, elle anticipe également sur la loi Aubry, puisqu'elle propose une réduction massive du temps de travail en portant celui-ci à 35 heures hebdomadaires, avec un objectif de 30 heures, à terme. Le référendum d'initiative citoyenne introduit par Antoine Waechter en 1988 est toujours d'actualité.

Beau plantage pour la candidate qui ne récolte que 3,32% des votes, franchissant à peine la barre du million d'électeurs. Au deuxième tour, alliance avec la gauche de la gauche oblige, elle n'appelle pas à voter pour Lionel Jospin. Pour une victoire finale de Jacques Chirac sorti vainqueur d'un duel fratricide avec son "ami de trente ans" Edouard Balladur au premier tour. Rendez-vous en 2002…


2002, le choc

Année électorale à marquer d'une pierre blanche. Le Front National fait frissonner la France (presque) entière en accédant au second tour. Seize candidats. Une dissolution inquiétante des voix. Mais pourtant, les Verts enregistrent leur meilleur score avec 5,25%.

C'est Noël Mamère qui établit ce record. L'ancien présentateur du JT à la moustache fleurie proposait différents points "choc" lors de sa campagne : suppression de l'ENA, légalisation du cannabis, majorité à 16 ans, dissolution des RG, bridage des moteurs de voiture pour limiter la vitesse ou évolution vers une VIème République.

Mais quelques thèmes plus traditionnels venaient garnir son programme : l'annulation de la dette des pays pauvres, une fiscalité anti-pollueurs, ou bien encore et toujours la sortie du nucléaire. Avec un programme à la fois classique et novateur, les Verts décrocheront leur record de voix à une élection présidentielle, approchant la barre des 1,5 millions d'électeurs.


2007, l'accident industriel

Dominique Voynet, acte II. En 2006, on a un peu l'impression d'un retour vers le futur. Une primaire est organisée au sein du parti, et Dominique Voynet sort vainqueur de son duel avec Yves Cochet, après un nécessaire recomptage des voix. Mais on ne s'intéresse qu'à Nicolas Hulot, qui fait signer son pacte écologique aux candidats, et dont tout le monde se demande s'il se lancera dans la course à l'élection suprême.

Côté programme, encore et toujours les mêmes thèmes. Sixième République, solidarité, défi climatique, etc, etc… Les mêmes thèmes par manque d'imagination ? Ou les mêmes thèmes parce que la société française n'avance pas et qu'il faut sans cesse la rappeler à ses obligations ? En tout cas, pour porter tout cela, le choix de Dominique Voynet (encore) n'apparait pas non plus comme une volonté de rupture.

Le résultat est une catastrophe pour le parti et pour l'écologie en général : 1,57%, soit un peu moins de 600 000 électeurs en tout. Les Verts réussissent même l'exploit d'être battus par deux candidats communistes et par deux candidats d'extrême droite, dont Philippe de Villiers et son score pourtant ridicule de 2,23%.

La honte, quoi.


2012, le record explosé ?

Pour l'instant, les candidats à la primaire doivent encore être départagés. Tout se jouera entre Eva Joly et Nicolas Hulot. Mais faisons une projection grâce à une méthode de calcul (presque) validée et (presque) imparable. Attention, y'a des chiffres.

Partons du postulat que Nicolas Hulot sera la candidat désigné par les militants. Pourquoi ? Parce qu'il surfe sur la vague du succès, et que les sondages le donnent vainqueur. Nicolas Hulot candidat, donc.

Face à lui, on ne comptera que les candidats susceptibles de faire un score non négligeable : Nicolas Sarkozy, Martine Aubry, François Bayrou, Marine le Pen, Jean-Luc Mélenchon. Prenons la moyenne des scores effectués par les partis de ces têtes de liste lors des deux dernières élections présidentielles. Soit :

  • Nicolas Sarkozy : 25,53%
  • Martine Aubry : 21,03%
  • Marine le Pen : 13,65 %
  • François Bayrou : 12,71%
  • Jean-Luc Mélenchon : 6,45%

On additionne le tout, ce qui nous donne 79,37% des suffrages exprimés qui le seront (selon notre méthode scientifique que le monde nous envie) en faveur des 5 candidats cités. Restent 20,63% des voix à distribuer. Nous parlions plus haut des candidats qui font des scores négligeables ? Citons par exemple Philippe de Villiers, Nicolas Dupont-Aignan, Nathalie Arthaud (successeur désignée d'Arlette Laguiller) et le candidat des chasseurs. Créditons-les chacun de 1,5% des voix pour une estimation optimiste : 6% des voix leurs sont donc dévolues.

On résume : 100 – (79,37 + 6) = 14,63

Voilà, il reste 14,63% des voix à répartir qui iront dans l'escarcelle de Nicolas Hulot, candidat d'EELV. On a donc le score d'EELV au premier tour des élections présidentielles de 2012. Un score à deux chiffres (crédible, quand on se souvient que pour les régionales de 2010, EELV affichait un beau 12,18% à l’issue du premier tour) qui fait du parti la troisième force politique du pays et qui lui donne un vrai poids dans les alliances à passer en vue du second tour entre Nicolas Sarkozy et Martine Aubry.

On dira ce qu'on voudra, mais les mathématiques, quand c'est bien fait comme dans les lignes au-dessus, c'est du 100% infaillible.

Greenpeace en procès pour crime de lèse-majesté

Article précédent

2012: une alliance PS/EELV dès le premier tour?

Article suivant

Tu pourrais aussi aimer

commentaires

Laisser une réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *