Il y a d'abord les coûts dont on est à peu près certain. Programmé pour satisfaire aux recommandations de l'autorité de sûreté du nucléaire (ASN) après Fukushima, le renforcement de la sûreté des 58 réacteurs français devrait coûter 11 milliards d'euros. Cette mesure devrait doubler la note des coûts de maintenance normale des réacteurs au moins pour la période 2014-2025. A cela s'ajouteront les coûts liés à la prolongation de la durée de vie des réacteurs à 40 ans, qui devrait coûter à elle seule 110 milliards d'euros, et 60 milliards de plus si l'extension est portée à 60 ans. Ces coûts seront cependant amenés à augmenter si l'ASN durcit encore ses règles.
Par ailleurs, la commission parlementaire sur le coût du nucléaire a rendu le 10 juin dernier un rapport pointant du doigt une série d'autres coûts qui n'ont pas encore été évalués de façon indépendants, et qui demeurent donc encore inconnus. Il y a d'abord celui du démantèlement des réacteurs arrivés en fin de vie, dont EDF a tendance à sous-estimer les devis. Les députés s'interrogent également sur le coût du stockage des déchets radioactifs. La Cour des comptes donnait fin mai une estimation à 28 milliards d'euros, soit presque le double du budget prévu au départ…
S'il est difficile d'évaluer vraiment le coût que représentera le nucléaire pour la France dans 5, 10 ou 25 ans, la hausse a déjà commencé à se répercuter sur les tarifs d'EDF. Depuis 2013, le prix du kWh a en effet entamé une croissance de 5% par an.
L'Etat doit demander des comptes à EDF
Au total, les députés ne font pas que pointer du doigt le manque de clarté du budget alloué par EDF aux centrales nucléaires. Ils mettent aussi en garde l'Etat contre sa propre indécision. D'abord, l'Etat doit développer une expertise indépendante afin d'être au clair sur les coûts réels. Ensuite, si l'Etat ne fait pas de choix concernant la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires, l'opérateur historique aura alors la bride sur le cou pour agir selon ses propres plans. Selon le groupe parlementaire, le projet de loi à venir sur la transition énergétique devrait justement être l'occasion de "graver dans le marbre" le passage du nucléaire de 75 à 50%. De façon plus générale, on s'entendra sur le fait que c'est bien le rôle de l'Etat de définir le cadre énergétique qui permettra de réduire les incertitudes de la filière et diriger les forces vives.
Oui, en effet, la France a profité pendant trois décennies du prix de l'électricité le plus bas d'Europe de l'ouest. Mais si rien n'est fait, elle perdra cet avantage.
commentaires