Ecologie & Société

Réintroduire des animaux pour les abattre: Bienvenue dans le XXIème siècle

Introduction

Depuis quelques jours, nous avons droit à un débat curieux. Faut-il ou non abattre un loup pour protéger les troupeaux des bergers de la région ? Les dizaines d'attaques dont ont été victimes les exploitants et les centaines de têtes de bétail perdues ont semble-t-il décidé les autorités, puisque la préfète des Hautes-Alpes a décidé d'autoriser un "tir de prélèvement", ou un "abattage d'un loup" pour parler plus clairement.  

Si la décision n'a rien de scandaleuse (après tout, si un loup est capable de décimer des troupeaux entiers, pourquoi ne s'attaquerait-il pas à l'Homme ?) et qu'elle évitera sans doute quelques débordements (une battue organisée et officielle pour calmer l'opinion publique et éviter une expédition punitive de quelque berger qui aurait soif de "justice"), elle interroge. Pourquoi vouloir à tout prix réintroduire une espèce dans un milieu d'où elle a disparu pour décider de son abattage quelques années plus tard ?

Voici donc un petit dossier sur ces espèces pour lesquelles il aurait mieux valu réfléchir à deux fois avant de prendre la moindre décision


1. Le loup

Voilà l'animal qui défraie en ce moment la chronique. Disons à égalité avec le requin dans le port de Saint-Tropez. Avant de poser un problème à certaines personnes, le loup avait pourtant complètement disparu du territoire français dans les années 30. Chasse et destruction de son habitat avaient eu raison de lui. Et puis il est réapparu en France en 1992.

Une vingtaine d'années plus tard, entre reconquête naturelle de leur territoire et réintroductions organisées par les pouvoirs publics, on dénombre 190 individus dans l'ensemble du pays. Mais à la fin du mois de juillet 2011, 2115 moutons sont morts suite à 583 attaques recensées du loup, principalement dans les Alpes-Maritimes et le Var.

Pour empêcher, ou du moins maîtriser ses attaques, l'Etat autorise chaque année quelques "prélèvements" sur l'espèce. L'Etat autorise la chasse au loup, en fait, même si celle-ci reste très limitée. Pour l'année 2010-2011 par exemple, six loups pourront être abattus, au maximum.

L'intérêt d'aller chercher des loups en Pologne, de les amener en France, de les observer, de les voir se reproduire et assurer la survie de l'espèce, pour finalement leur coller une balle entre les deux yeux ? On cherche toujours…


2. L'ours

Après le loup dans les Alpes, voici l'ours dans les Pyrénées, l'animal emblématique des politiques de réintroductions animales en France. Capturés à l'étranger et relâchés sur les pentes du massif franco-espagnol, ils sont censés évoluer en liberté totale. Il restait quelques individus isolés dans les Pyrénées quand le gouvernement français décide de réintroduire, dès 1996, quelques individus venus des montagnes slovènes. Première colère des éleveurs locaux, et deuxième salve d'animaux réintroduits en 2006.

Seulement entretemps, lors d'une battue au sanglier, un chasseur abat Cannelle, dernière ourse "de souche" des Pyrénées. Tollé général. Mais le chasseur plaide un "état de nécessité" devant la Cour qui le juge et bénéficiera d'abord d'un non-lieu, avant que des associations écologistes n'obtiennent son renvoi devant un tribunal correctionnel et finalement condamné à payer une forte amende. On est triste pour l'ourse, pour le condamné, mais on s'amuse en repensant au sketch des Inconnus sur les chasseurs.

Depuis, des cas d'attaque d'ours sur du bétail sont régulièrement rapportés, et on est prêt à mettre une petite pièce qu'il ne faudra plus très longtemps pour qu'un berger local victime d'une de ces attaques de bétail décide de se faire justice tout seul lui-même.


3. La perche du Nil

Au milieu des années 50, un scientifique répondant au nom d'Olufa Amaras introduisit quelques perches du Nil dans le lac Victoria, la deuxième réserve d'eau douce du monde, et premier lac tropical de la planète, sur ordre de l'administration coloniale britannique.

Une trentaine d'années plus tard, ce poisson qui peut atteindre deux mètres de long, a remplacé des dizaines d'autres espèces de poissons locaux et est devenu un des plats les plus consommés en Europe. Conséquence, la perche est très pêchée, vendue à des prix intéressants aux pays du Nord, et participe à l’enrichissement de quelques habitants des pays qui bordent le lac : le Kenya, la Tanzanie et l'Ouganda. Des usines et des villes se développent et déversent des produits chimiques ou leurs égoûts dans cette mer intérieure qui ne dit pas son nom, et en font un lac de plus en plus pollué. Si l'on se dit qu'en plus de ça, la perche du Nil est victime de son succès et victime de surpêche, on tient là tous les ingrédients d'un désastre écologique en bonne et due forme.

L'administration britannique de l'époque aurait dû y réfléchir à deux fois…

Impossible ici de parler de la perche du Nil sans vous conseille le film Le cauchemar de Darwin, qui s’attache à relier le commerce de ce poisson et le trafic d’armes qui sévit dans la région. A voir absolument.


4. Le crapaud buffle

Un gros crapaud venu d'Amérique du Sud. Dans les années 30, l'Australie cultive beaucoup de cannes à sucre. Seulement, les plantations ont tendance à attirer les insectes, un peu comme les sauterelles dans l'Egypte antique. Plutôt que de bombarder leurs terres cultivées avec de l'insecticide, les autorités australiennes ont opté pour une solution a priori meilleure : l'introduction d'un prédateur aux insectes, un prédateur qui porte le nom charmant de "crapaud buffle".

Dommage que Wikipedia n'ait pas existé dans les années 30, sinon les décideurs australiens auraient su que la femelle du crapaud buffle pond ses oeufs par centaines. 62000 crapauds ont été introduits en 1937, et ont engendré des générations de descendants, ce qui porte leur nombre estimé aujourd'hui à 200 millions sur l'île-continent.

Alors non seulement le crapaud buffle n'a servi à rien dans la lutte contre les insectes pour laquelle il avait été originellement choisi, mais en plus il décime son environnement proche. Le poison qu'il sécrète et qui perle sur sa peau provoque la disparition de dizaines d'espèces qui comptent parmi ses prédateurs, qu'il s'agisse de serpents, de varans, ou de crocodiles. Aujourd'hui, le gouvernement cherche une solution pour se débarrasser du nuisible.

Introduction/réintroduction, même combat.

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