La Bièvre était autrefois le réceptacle favori des rejets des manufactures et artisans parisiens… en 1877, elle dégageait une odeur si pestilentielle qu'elle fut progressivement recouverte, à Paris puis en banlieue. Mais pour décrire au mieux ce à quoi elle ressemblait à l'époque, laissons la plume à l'illustre écrivain Joris-Karl Huysmans (La Bièvre, 1914) :
“Comme bien des filles de la campagne, la Bièvre est, dès son arrivée à Paris, tombée dans l'affût industriel des racoleurs ; spoliée de ses vêtements d'herbes et de ses parures d'arbres, elle a dû aussitôt se mettre à l'ouvrage et s'épuiser aux horribles tâches qu'on exigeait d'elle. Cernée par d'âpres négociants qui se la repassent, mais, d'un commun accord, l'emprisonnent à tour de rôle, le long de ses rives, elle est devenue mégissière, et, jours et nuits, elle lave l'ordure des peaux écorchées, macère les toisons épargnées et les cuirs bruts, subit les pinces de l'alun, les morsures de la chaux et des caustiques. Que de soirs, derrière les Gobelins, dans un pestilentiel fumet de vase, on la voit, seule, piétinant dans sa boue, au clair de lune, pleurant, hébétée de fatigue, sous l'arche minuscule d'un petit pont !”
Mais que l'on se rassure, la Bièvre sera bientôt sortie du ruisseau ! A l'heure actuelle, elle coule librement sur 22 kms, est canalisée et recouverte par des dalles sur 11kms, et 5 kms ont disparu sous du remblais. Le Syndicat Mixte du Bassin Versant de la Bièvre (SMBVB) – qui rassemble de nombreuses collectivités territoriales au niveau régional, départemental et municipal – oeuvre pour la sauvegarde de la Bièvre, dont une petite partie a déjà été remise à jour en 2004 à Fresnes. La signature de la convention du 19 mai 2011 permettra de réaliser, sous quatre ans, la réouverture de la rivière sur 1 km de long, entre Antony et Gentilly.
Il ne s'agit pas seulement de la remettre à l'air libre, mais surtout de dépolluer l'eau, en la déconnectant des égouts et des eaux industrielles usées. Les riverains seront également invités à ne plus y déverser de produits chimiques. Le projet vise ainsi à rétablir la biodiversité de la rivière et à aménager ses berges, notamment avec des pistes cyclables. Pour l'instant, la même chose serait très compliquée à réaliser à l'intérieur même de la capitale, mais la faisabilité du projet pourrait faire l'objet d'une étude. Au total, la réhabilitation de ce tronçon de la Bièvre coûtera déjà 216 millions d'euros ; une initiative d'une ampleur sans précédent en France.
commentaires