Les Bishnoïs sont les membres d'une communauté vivant au Rajasthan, au Nord de l'Inde. Ils ont adopté des préceptes de vie en harmonie avec la nature, et ce dès le XVe siècle. Irène Frain et Frank Vogel, qui ont vécu avec eux, nous font découvrir ce peuple méconnu à travers un livre et une exposition photographique.
L'histoire du peuple Bishnoïs commence en 1485, lorsque les Rathores, des seigneurs richissimes habités par la folie des grandeurs, décident de se faire bâtir des palais pharaoniques. Pour cela, il se mettent à couper des quantités de bois ; s'ensuit une terrible sécheresse qui met à mal tout le pays. Mais ce désastre écologique est attribué à la colère des dieux, jusqu'à ce qu'un homme, un simple paysan, Jambaji , comprenne les vraies raisons de la sécheresse : l'eau était retenue par les arbres, et la déforestation a déréglé tout cet équilibre.
Il fonde alors une communauté régie par 29 principes fondamentaux, qui impliquent la protection et la vénération des arbres et des animaux, tout comme s'il s'agissait de membres de la famille. Ils sont à l'origine du nom “Bishnoï” : en Hindi, "bish" signifie "vingt" et "noï" signifie "neuf". Ces principes sont à la fois pratiques, pour permettre la survie dans des conditions très difficiles, mais aussi spirituels. Ils portent sur l'hygiène du corps et de l'esprit, le culte religieux, la morale et le respect de la nature. Les Bishnoïs sont végétariens, ils méditent deux fois par jour et se gardent de toute addiction. Parmi leurs valeurs fondatrices : la compassion envers tous les êtres vivants, l'honnêteté et l'humilité. Une partie de leur récolte est exclusivement réservée aux animaux ; ils n'attendent rien du gouvernement et vivent en petites communautés autonomes.
Ces principes s'avèrent si efficaces que la communauté s'accroît avec la bénédiction des gouvernants politiques. En 1510, des centaines de villages Bishnoïs prospèrent en paix, et les forêts sont respectées. Jusqu'au jour où, un matin de 1730, le Maharadjah Jodhpur décide de se bâtir tout de même un palais mirifique et envoie ses hommes couper du bois. Mais ceux-ci rencontrent la résistance des Bishnoïs qui se mettent devant les arbres pour les en empêcher. Cet acte héroïque aboutira au massacre de 363 Bishnoïs ; après quoi les soldats renoncent et retournent auprès du Maharadjah qui prend alors conscience de l'importance de la nature aux yeux des Bishnoïs et regrette son geste. Après cet événement, il leur offrira sa protection éternelle et depuis, les terres du peuple Bishnoïs sont sacrées : nul n'a le droit d'y couper un arbre vivant ou de tuer un animal.
En 1998, un célèbre acteur de Bollywood a d’ailleurs été reconnu coupable du braconnage de deux antilopes à proximité du sanctuaire le plus sacré des Bishnoïs, là où avait eu lieu le sacrifice de 1730. Ils lui ont intenté un procès qui a abouti, en 2007, à une peine de cinq ans de prison.
A présent, on sait qu'il ne faut pas venir chercher des noises aux Bishnoïs ; leur résistance et leur détermination ont porté leurs fruits. Mais que savons-nous d'eux ? Bien peu de choses, sans doute, mais depuis que Frank Vogel est revenu du Rajasthan et a déployé une fresque photographique dans l’interminable couloir de la station Bienvenüe à Montparnasse (Paris, jusqu’au 14 juin 2011), on commence à en entendre parler. Les textes qui commentent les photos sont d'Irène Frain, dont le dernier roman, intitulé La Forêt des 29, raconte l'histoire du peuple Bishnoïs. Ils sont également parrains de l'association S'inspirer des Bishnoïs, dont le but est de faire connaître leur culture et leur philosophie en Occident, mais aussi de mobiliser des moyens pour leurs projets liés à la protection de l’environnement – actuellement, il s’agit de lutter contre la pollution des sacs plastiques.
+ d’infos : S’inspirer des Bisnoïs, Frank Vogel, Irène Frain
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