CHRONIQUE – Alexis du Fontenioux.
Pour mesurer cette révolution, il faut tenter d’imaginer la capacité pour l’homme de produire de la matière atome par atome, à une échelle du milliardième de mètre, 500 000 fois plus petit qu’un cheveu. La possibilité nous serait offerte de fabriquer un matériau plus léger que la plume, plus résistant que l’acier, plus souple que le roseau. « Les nano-armes seront à la bombe atomique ce que celle-ci était à la fronde » selon Jean Pierre Dupuy. Les nanotechnologies sont un des stades ultime de l’incertitude, un paroxysme de controverse sociotechnique.
Vous avez aimé le débat (ou le non débat) sur les OGM, vous allez adorer celui-ci ! Les nanotechnologies sont un défi lancé à la communauté humaine, à la démocratie et à ces procédures, à notre capacité d’imaginer et de construire un monde commun, souhaitable. Les structures institutionnelles actuelles ne sont pas en mesure de cadrer une telle révolution. A l’échelle de la France, comment la CNIL – déjà mise en difficulté par internet – pourrait-elle garantir un quelconque respect de nos libertés individuelles avec de telles technologies ? Les grandes puissances sont d’ores et déjà entrées dans une course de vitesse sur le sujet. La Russie notamment, qui a laissé filer de précédentes révolutions technico-industrielles, n’entend pas laisser échapper celle-ci.
C’est dans ce cadre que s’ouvre un débat public national. Pour ou contre ? Avant même de traiter du fond du sujet, les controverses se fixent sur les procédures du débat. Vaste manipulation ou réelle volonté d’échanges de points de vue ? Pis-aller ou progrès démocratique ? La Commission Nationale du Débat Public nous propose un test grandeur nature, nous allons pouvoir appréhender la robustesse de ses procédures. Quelles que soient les conclusions de cette commission, elle est à suivre de près car elle contribue à l’enrichissement nécessaire de nos démocraties.
La construction d’un monde commun nécessite des améliorations et des progrès constants de gouvernance et de procédures, elle oblige à de nouvelles formes d’échanges et de collaborations entre la recherche en plein air (le citoyen, les profanes), la recherche confinée des laboratoires et le politique. De la qualité de ce travail, dépendra la question de la gestion des incertitudes et des controverses inhérentes à la révolution annoncée. Certains appellent cet espace de débat public la « démocratie dialogique » (M. Callon, P. Lascourmes, Y. Barthe). Les révolutions technologiques pourraient-elles nous amener à des révolutions (bénéfiques ?) de gouvernance ? Quelle que soit son opinion sur le sujet des nanotechnologies, la porte d’un progrès démocratique est entrouverte, allons-y !
Alexis de Fontenioux est consultant en Prospective Stratégique et auteur du blog Valinkeo. |
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