Introduction
2022. Une année qui devrait faire date pour toutes celles et tous ceux qui s'intéressent à l'énergie. Au Moyen-Orient, le Qatar organisera la première Coupe du Monde de football pour la première fois dans cette partie du globe. Avec des températures estivales de 45 degrés, les organisateurs promettent des stades climatisés. Une aberration énergétique et écologique.
Mais 2022, c'est surtout la date limite que s'est fixée l'Allemagne pour sortir du nucléaire. Onze ans pour repenser son mix énergétique. Une échéance à la fois proche et lointaine qui pose quelques questions. Comment l'Allemagne fera-t-elle pour compenser cette perte d'énergie ? La France pourra-t-elle copier le modèle allemand ?
1. Que se passe-t-il en Allemagne ?
Tout d'abord, il fait savoir qu'entre l'Allemagne et l'énergie nucléaire, le désamour n'est pas nouveau. En effet, le pays n'a pas attendu la catastrophe de Fukushima au Japon pour se poser les bonnes questions. Au début des années 2000, le gouvernement de Gerard Schroeder (une coalition entre sociaux-démocrates et écologistes) décide une sortie progressive du nucléaire avec 2020 pour horizon. La conséquence d'une décision qui a déjà 10 ans ? Le tissu industriel allemand de l'énergie a entamé une reconversion bienvenue, notamment vers les énergies renouvelables, et ne se trouva pas fort dépourvu lorsque Fukushima fut venue.
Seulement, Angela Merkel, l'actuelle chancelière, était revenue sur cette décision en 2005. Le Parlement avait même décidé un allongement de 12 ans en moyenne de la durée d'activité des centrales allemandes. La raison invoquée ? Tenir les engagements du pays sur la réduction des gaz à effet de serre. En évitant l'ouverture de centrales à charbon qui terniraient le bilan allemand, les centrales nucléaires ont donc permis au pays de tenir ses promesses.
Et puis l'Allemagne regarde ses problèmes en face, et les affronte avec pragmatisme. Sept réacteurs ont dépassé leur durée de vie estimée ? Alors on les débranche et on ne prend aucun risque. Le réacteur de Krümmel, près d'Hambourg dans le Nord du pays, rencontre plusieurs problèmes ? On ferme la boutique. Au total, l'Allemagne compte donc sur son territoire 12 centrales nucléaires qui abritent 17 réacteurs en fonction. Depuis les années 70, le pays a en plus décidé l'arrêt de 16 réacteurs suite à divers dysfonctionnements.
2. Les solutions sans le nucléaire
22%. C'est la part de l'énergie nucléaire dans le mix énergétique de notre voisin d'Outre-Rhin. Dans une dizaine d'années, c'est donc un quart de son approvisionnement électrique que l'Allemagne va devoir repenser. On pense bien sûr aux énergies renouvelables, mais pas seulement.
Commençons quand même par les énergies renouvelables. L'Allemagne s'est lancée depuis quelques temps maintenant dans une course contre la montre qui devrait lui permettre, en 2030, de disposer d'un parce éolien offshore de 25 GW. Pour comparaison, ses centrales nucléaires produisent actuellement 21 GW d'électricité. Le calendrier prévoit ainsi qu'en 2017, 12 GW d'éolien offshore seront disponibles. Pas suffisant pour combler le manque d’énergie nucléaire. Selon les estimations de La Tribune, l'Allemagne "devrait aussi voir l'installation de 6 GW de solaire supplémentaire cette année". Les énergies renouvelables, c'est le côté positif de la chose. L'autre côté, celui moins glamour, c'est que l'Allemagne tire aujourd'hui plus de 40% de son énergie du charbon, et que ces centrales ne sont pas prêtes de fermer, ne serait-ce que pour assurer une continuité dans la production d'électricité, continuité que les ENR ne peuvent pas garantir (en moyenne, une éolienne ou un panneau solaire ne produit de l'énergie qu'un tiers du temps, pendant que les centrales nucléaires ou à charbon tournent sans discontinuer).
L'Allemagne a également la possibilité d'importer de l'électricité. D'en acheter à la France, par exemple, son plus grand voisin. Si celle-ci poursuit son chemin tête baissée dans le nucléaire, elle pourrait être en capacité de fournir de l'énergie à son imposant voisin. Parce qu'un pays sans centrales nucléaires ne s'empêche pas pour autant de consommer de l'électricité atomique. L'Italie n'a pas de programme nucléaire ? Qu'importe. ENEL, l'EDF local, investit lourdement dans les centrales nucléaires en Slovaquie et en France. Ou comment habilement donner le change. Et si EOn et RWE, les deux géants allemands de l'énergie, décidaient de contourner l'abandon du nucléaire chez eux pour participer à la prolifération des centrales en France ? Inquiétant, n'est-ce pas ?
Enfin, le pays va demander un effort à tous ses citoyens, et un objectif de réduction de la consommation de 10% est déjà évoqué. L'Etat allemand investira 1,5 milliards d'euros dans la rénovation thermique des bâtiments pour y parvenir. Des centaines de millions d'euros seront aussi investis dans une "autoroute électrique", capable d'amener l'électricité éolienne offshore produite en mer du Nord dans le Sud du pays. Des parcs offshore financés grâce à une aide spéciale de 5 milliards d'euros accordée par le gouvernement. Tout cela va coûter cher. Très cher.
3. Le modèle allemand peut-il envahir la France ?
Difficile à imaginer. Le 14 mars 2011, on pouvait ainsi lire dans Libération "Nicolas Sarkozy a dit lundi devant ses conseillers et quelques responsables UMP réunis à l’Elysée qu’il n’était «évidemment pas question de sortir du nucléaire» pour la France qui a, selon lui, le parc «le plus sécurisé»". Tant qu'il sera au pouvoir (pour un an encore, ou pour six, selon le résultat des présidentielles de 2012), un revirement à l'allemande est donc absolument inenvisageable.
Une autre citation pour s'en convaincre : "Je n'ai pas été élu pour détruire une filière industrielle qui crée de l'emploi, qui crée de la compétitivité, qui crée de l'indépendance énergétique. Je n'ai pas l'intention de renoncer à ces avantages absolument considérables de l'économie française."
Autre frein à une sortie du nucléaire : là où l'Allemagne tire 22% de son énergie de l'atome, le chiffre équivalent pour la France monte à 76%. Et quand 10% de l'électricité allemande consommée est d'origine renouvelable, (avec une préférence pour l'éolien et le solaire, dont elle est le premier producteur mondial en 2010) la France atteint péniblement 6%, dont une grande part d'énergie hydraulique et une part risible bien que grandissante des énergies solaire et éolienne. Difficile d'imaginer cette part d'ENR multipliée par 15 dans les 15 prochaines années.
Et puis d'un point de vue économique, pas sûr que la sortie du nucléaire soit une si bonne idée. A l'heure où la Suisse se pose des questions, où l'Italie refuse de relancer son programme atomique, et où l'Allemagne annonce sa sortie du nucléaire, pourquoi ne pas imaginer devenir le fournisseur principal d'électricité en Europe ? Avec le tintement des pièces de monnaie qui tombent dans les poches de l'Etat en bruit de fond ? Après, c'est sûr, d'un point de vue écologique…
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