Parmi les nombreux débats qui gravitent autour du développement durable, il en est un qui a gagné récemment en visibilité, c’est celui qui oppose les partisans de la croissance à ceux de la décroissance. Et comme tout nouveau débat, celui-ci s’accompagne de son lot d’incompréhensions, d’interprétations erronées et de quiproquos. Marcel vous propose donc de passer les 10 prochaines minutes à tenter d’y voir plus clair.
La décroissance, c’est d’abord une bonne et une mauvaise nouvelle, toutes deux très faciles a comprendre.
La mauvaise nouvelle c’est que ce que nous mesurons grâce au PIB (produit intérieur brut) et que nous appelons le progrès ne peut pas croitre à l’infini. La raison en est simple : le PIB mesure la quantité de biens et services produits dans un pays donné. Or ces biens et services sont produits en transformant des ressources naturelles et il se trouve que ces ressources existent sur Terre en quantité finie. L’augmentation infinie du PIB n’est donc pas possible.
Et à vrai dire, elle n’est même pas souhaitable, car l’épuisement des ressources naturelles a des conséquences dramatiques pour la vie sur terre, y compris celle des humains. Appauvrissement des sols, désertification, disparition des espèces vivantes et puis assèchement des nappes phréatiques, famines… Rien de très réjouissant, d’autant plus que ces phénomènes ne surviennent pas du jour au lendemain, ils progressent doucement et leurs effets se font déjà sentir dans certaines parties du globe (désert qui progressent en Afrique ou en Chine, assèchement des nappes en Chine ou en Australie, effondrement des stocks de poissons dans le monde, etc)
Mais séchez vos larmes, voici la bonne nouvelle :
La bonne nouvelle c’est que ce que nous mesurons grâce au PIB (produit intérieur brut) et que nous appelons le progrès n’est en réalité pas le progrès. Ce n’est donc pas si grave s’il ne croit pas à l’infini.
Parmi les nombreux exemples qui illustrent ce point de vue, prenons au hasard celui du stress au travail. Cette « pathologie » dont on parle beaucoup en ce moment est l’une des plus répandues dans la population française. Elle se manifeste par un état de fatigue chronique, des douleurs persistantes et peut aller jusqu’à provoquer des états dépressifs voir suicidaires. Bref, ce mal largement répandu n’est pas exactement ce qu’on appelle un progrès… et pourtant il est une mine d’or pour le Produit Intérieur Brut! Consultations à répétition chez le médecin et explosion de la consommation de médicaments sont autant de produits et de services qui viennent grossir le PIB, et donc l’idée qu’on se fait du progrès.
C’est peut être là que réside la question la plus intéressante posée par les « objecteurs de croissance » (partisans de la décroissance). Qu’appelle-t-on le progrès ? Et comment peut-on le mesurer ?
La question est bien loin d’être résolue mais des pistes intéressantes existent. Elles s’orientent en général vers la mesure du bien-être ou de la qualité de vie des populations. Ces concepts abstraits sont plus difficile à évaluer mais font déjà l’objet de nombreuses études et indicateurs. Parmi eux, citons l’Indice de Développement Humain créé par le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement), l’Indice de Bien Etre Durable (IBED), l’Indice de Progrès Véritable (IPV), le Bonheur National Brut (BNB) ou le Produit Intérieur Doux (PID). Tous cherchent à intégrer dans le calcul du progrès des données oubliées par le PIB comme la qualité des liens sociaux, l’accès à certains services élémentaires (santé, éducation, logement, etc) ou le coût de la destruction de l’environnement.
Bon d’accord, la question est passionnante, mais pendant que les « experts » débattent, nous continuons de puiser allègrement dans les ressources naturelles (elles ont réduit de 30% en 30 ans !) et d’émettre des gaz à effets de serre. Alors en attendant qu’ils tombent d’accord, que faire ?
Raison garder ! Ou plutôt, raison retrouver. A défaut de décréter demain l’arrêt total de la croissance ou, au contraire, de continuer à croitre tête baissée et yeux bandés en misant sur le progrès technique pour éviter le mur, il est possible de se fier au bon sens et de pratiquer au quotidien une « décroissance sélective ».
Cela commence par l’élimination du gaspillage, en particulier celui de l’eau, de l’énergie et de l’alimentation (¼ de la nourriture produite dans le monde est jeté à la poubelle chaque année).
Il s’agit ensuite de réduire notre consommation de biens et services polluants en les remplaçant, si nécessaire, par des alternatives propres. Acheter une carte de transport en commun pour remplacer sa voiture, prendre le train plutôt que l’avion, acheter ses fruits et légumes bio auprès d’un producteur local plutôt qu’en grande surface, etc… autant de décisions individuelles qui encouragent la décroissance des secteurs économiques polluants et encourage le développement de secteurs propres.
Colin Beavan, qui s’est fait connaître sous le nom de No Impact Man en vivant 1 an à New York sans causer le moindre impact sur l’environnement a une formule simple et efficace pour décrire un mode de vie durable « Il s’agit de considérer ce que la Nature peut nous offrir plutôt que ce que nous voulons en tirer ». Selon la méthodologie de l’Empreinte écologique, en 2009 l’homme a consommé 1,4 fois ce que la nature peut lui offrir (presque 3 fois en France) et a ce rythme, il consommera l’équivalent de ce que 2 planètes peuvent lui offrir dès les années 2030. Une chose est sûre, cette croissance là n’est pas tenable.
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