Ecologie & Société

Quel avenir pour la filière photovoltaïque ?

Introduction

En décembre 2010, le gouvernement français posait un décret de trois mois levant l'obligation d'achat de l'électricité photovoltaïque par EDF ; et un moratoire, de trois mois également, sur le développement des nouveaux projets d'installation de panneaux solaires. Tout cela le temps d'organiser une concertation avec les différents acteurs de la filière, et de mettre en vigueur, le 10 mars 2011, des tarifs d'achats revus avec une baisse d'environ 10%. La décision du gouvernement suscite de nombreuses réactions : selon les intérêts de chacun, les avis diffèrent. La question est : le développement de la filière solaire est-il mis à mal par cette nouvelle tarification ? Et si oui, à qui profite le crime ?


1. Modalités de l'achat d'électricité photovoltaïque

Dans le nouveau dispositif de soutien au photovoltaïque, la baisse des tarifs d'achat ne concerne pas les installations de moins de 3kWc, soit 30 mètres carrés de panneaux. Elle ne touche donc pas les particuliers qui n'ont que quelques panneaux sur leur toit.

Pour les installations de moins de 1000 mètres carrés (100 kWc) sur bâtiments, les tarifs d'achats seront ajustés chaque trimestre  en fonction du nombre de projets déposés, l'objectif étant de fixer le nombre des nouveaux projets d'installations à 25MW par trimestre (250 millions de m2 de panneaux). Si cet objectif est atteint, la baisse du tarif sera de 10%. Si cette limite est dépassée, la baisse sera accentuée ; dans le cas contraire, elle sera diminuée. Autrement dit, plus y aura de panneaux photovoltaïque, moins l'électricité produite sera vendue chère.

Les structures souhaitant installer des panneaux de plus de 1000 mètres carrés ou des centrales au sol devront lancer des appels d'offre, c’est à dire qu’elles choisiront les entreprises les plus à même de réaliser un projet d’installation de panneaux solaires selon des critères de prix, d’environnement et d’innovation. Ce dispositif favorisera le développement des installations les plus compétitives. Les premiers appels d’offre auront lieu dès l’été 2011.
 

+ d'infos : ministère de l'écologie


2. L'alibi du gouvernement

La tarification d'achat privilégiée visait à soutenir la filière dans ses débuts. A présent que celle-ci est bien lancée, un tarif d'achat aussi élevé n'est plus justifié. Cependant, il reste rentable, et encore bien supérieur aux tarifs en vigueur pour l'électricité produite par les autres sources d'énergie. Avec le développement accru de la filière, le maintien de tels tarifs aurait abouti à une hausse de la facture d'électricité des usagers. Le photovoltaïque bénéficie cependant toujours de subventions.

Pour le gouvernement, ce dispositif est une manière de crever la bulle spéculative qui s'est créée autour de la filière photovoltaïque : les tarifs d'achats étant particulièrement élevés, les projets d'installation prétextes à spéculation financières abondaient, avec des réservations de tarifs d'achats. De plus, selon la ministre de l'écologie, Nathalie Kosciuzko-Morizet, les nouveaux projets amenaient  à installer massivement des panneaux photovoltaïques importés de Chine, "qui produisent 1,8 fois plus de CO2 qu'un panneau fabriqué en France". Selon elle, "90% des panneaux installés en France proviennent de la Chine". Le frein porté à la filière par la nouvelle tarification sert à empêcher un développement à outrance qui passerait forcément par l'importation, étant donné que la fabrication de panneaux n'est pas suffisante en France, et que les panneaux chinois sont beaucoup moins chers.
 

+ d'infos : Nathalie Kosciusko-Morizet à l'Assemblée Nationale


3. L'alibi des PME-PMI du secteur solaire

Pour les Petites et Moyennes Entreprises et les Petites et Moyennes Industries du secteur photovoltaïque, ce nouveau dispositif constitue un coup d'arrêt, si ce n'est un arrêt de mort. Les artisans du solaire dénoncent une décision qui va profiter aux grandes entreprises, plus à même de résister à la baisse du prix d'achat de l'électricité, alors que leurs entreprises seront largement défavorisés, voire menacées de faillite. Martin Wolf, artisan-installateur en énergies renouvelables reproche à François Fillon, dans son discours du 22 février 2011, de méconnaître la réalité sur le terrain dans le domaine photovoltaïque. Selon lui, les PME-PMI ont des critères de qualité très stricts et une vraie démarche environnementale, tandis qu' EDF Energies Nouvelles, installe en grande quantité des panneaux solaires chinois "de piètre qualité" et monopolise 75% du marché tout en bénéficiant des aides des fonds publics.

Martin Wolf, dans sa lettre ouverte au premier ministre publiée le 3 mars 2011 par Rue89, propose quatre solutions à appliquer pour préserver les PME-PMI, qui sont "le coeur battant de cette filière". Nous vous les copions-collons ici :

"1. La régionalisation des tarifs d'achat (une aide égalitaire impliquerait un coefficient de majoration proportionnel à l'ensoleillement de chaque région) ;

2. Supprimer les appels à projets dès 100 kWc (800 m2), dispositif qui favoriserait les gros acteurs

3. Mieux répartir l'enveloppe d'aide à la filière (la fameuse contribution au service publique de l'électricité dite CSPE) en s'inspirant du mécanisme allemand qui consiste à réduire les aides publiques au fur et à mesure que la filière devient rentable, jusqu'à ce que le coût du kW solaire atteigne le prix du kW « historique » (prévu pour 2020) ;

4. Imposer la transparence des files d'attente pour les demandes de raccordement, afin que les méthodes spéculatives d'EDF-EN et autres gros acteurs cessent de porter l'opprobre sur toute la profession. Certains ont saucissonné de gros projets afin de bénéficier indument d'aides normalement réservés aux petits."

+ d'infos : la lettre de Martin Wolf


4. L'alibi des grandes entreprises

Pour les petites comme pour les grandes entreprises, le nouveau dispositif mis en place par le gouvernement tend à diaboliser la filière – comme s'il n'y avait de spéculations que sur le photovoltaïque – et à la présenter comme coûteuse, peu rentable et pas forcément écologique.

Selon Arnaud Mine, représentant du SOLER, le groupement français des professionnels du solaire photovoltaïque, l'argument des panneaux importés de Chine pour faire reculer le photovoltaïque en France ne tient pas la route. Il admet que "des panneaux chinois arrivent en France", mais précise que "le panneau lui-même n'intervient que pour 25% du coût total d'une installation. Le reste des prestations de service est français (l'ingénierie, l'installation, la commercialisation, les câbles électriques…)." D'ailleurs, aucune donnée statistique ne vient confirmer le propos de la ministre de l'écologie selon lequel 90% des panneaux viendraient de Chine.

La baisse des tarifs d'achat de l'électricité photovoltaïque touche également les grandes entreprises. Parmi celles qui auront à en souffrir, on trouve : EDF Energies-Nouvelles ; Tenesol ; Bouygues Immobilier, GDF-Suez, Saint-Gobain, Dexia et Veolia environnement.

Cependant, certaines de ces grandes entreprises ne sont peut-être pas aussi menacées que les autres. EDF EN, donc, qui détient une très grande part du marché photovoltaïque français, est accusé par le collectif "Touche pas à mon panneau solaire" d'être en conflit d'intérêt avec EDF et ses autres filiales. Théoriquement, EDF-EN est indépendant d'EDF, ce qui n'est concrètement pas le cas. EDF est directement lié à EDF-EN (il en détient 50% des parts), ainsi qu'à EDF AOA (EDF Agence Obligation d'Achat), qui gère l'achat de l'électricité photovoltaïque.

Or s'il y a conflit d'intérêt, on peut aisément concevoir qu'EDF-EN soit avantagé par rapport à ses concurrents : l'argent qu'EDF-EN ne gagnera pas en vendant son électricité moins chère, c'est celui que gagnera EDF en l'achetant. Selon Ariane Vennin, porte-parole du collectif, "EDF EN est le plus gros spéculateur avec 82% des projets de grosse puissance et 50% des projets de moyenne puissance dans la file d'attente". Le collectif a également accusé l'entreprise d'avoir commis des fraudes pour contourner le décret de moratoire. Après la baisse des tarifs d'achats, EDF-EN est donc l'entreprise qui a le plus de chances de tirer son épingle du jeu, au détriment de toutes les PME.

Remettre en cause l'industrie solaire, parce qu'elle coûte trop cher… mais trop cher par rapport à quoi, interroge Bruno Rebelle, ancien patron de Greenpeace ? Par rapport aux énergies polluantes ou dangereuses, qui coûtent moins cher aujourd’hui, mais dont nous auront à payer la facture environnementale dans quelques temps ? N'était-il pas question d'investir, justement, dans les énergies renouvelables ?

+ d'infos : interview d'Ariane Vennin, article de Bruno Rebelle

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